A travers les marques de vêtements Zara et American Apparel, nous allons montrer leurs stratégies territoriales à travers leur modèle économique.
Zara est un réseau de distribution espagnol de vêtements fondé en 1975 par Amancio Ortega Gaona. Le concept novateur de cette entreprise est de mettre sur le marché des vêtements semblables à ceux des grandes marques de la mode mais accessibles au grand public dans quelques 33 pays du monde.
American Apparel est un réseau de distribution, cette fois-ci Américain, basé à Los Angeles et créé par Dov Charney en 1998. Le concept de la marque est de proposer des vêtements branchés à des prix attractifs dans 20 pays répartis sur l'ensemble de la planète.
Même si ces deux entreprises ont pour objectif de proposer des vêtements à prix bas, leurs stratégies, même si elles semblent similaires, divergent en quelques points.
Ainsi quelles sont leurs stratégies? Quels en sont les points communs et les différences ?
Zara
Le choix de l'entreprise Zara est de faire fabriquer l'essentiel de sa gamme en Europe ou dans des zones limitrophes, malgré l'avantage considérable en termes de coûts dont bénéficie en théorie le textile chinois. En effet, beaucoup d'entreprises de ce type tendent à implanter leurs activités à proximité de leurs clients, malgré les progrès réalisés en matière de transports et de logistique. Le transport par bateau est en effet long et coûteux, et il implique également des phases de traitement administratif aux frontières.
Par ailleurs, le réseau de distribution Zara est organisé en flux tendu. C'est-à-dire que les échanges entre les magasins et les usines sont continus. On note aisni que les usines approvisionnent les magasins deux fois par semaine. Les techniques de transports des vêtements restent pourtant très simples : les commandes peuvent être passées en fin de matinée et les cartons pleins de vêtements sont acheminés par camion dans les 24 heures (soit 80% des commandes réalisés), tandis que le reste est transporté par avion dans les jours qui suivent la demande. Zara possède trois centres logistiques qui lui permettent de distribuer ses vêtements à travers le monde pour l'ensemble de ses magasins, le plus imposant concernant la ligne enfant dont l'entrepôt fait 180 000 mètres carrés et possédant 70 quais destinés aux chargements des camions. Ce centre n'est aujourd'hui qu'à la moitié de sa capacité de stockage mais il doit contenir les commandes jusqu'en 2012, date où l'entreprise opérera à certains changements au niveau logistique qui n'ont pas été déclarés à ce jour.
Ce réseaux de distribution voit donc les choses "en grand" par ses infrastructures et par son personnel varié et nombreux (80 000 salariés répartis sur les 72 pays).
Ainsi, dans un secteur où la réactivité du client est primordiale, le choix de Zara est de rester proche de la demande des clients. Depuis 2007, cette chaîne de distribution a détrôné son principal concurrent, Gap, avec un chiffre d'affaires s'élevant à 9,4 milliards d'euros.
La marque American Apparel, quant à elle, a décidé de produire tous ses vêtements dans son usine de Los Angeles (USA). En effet, la majeure partie de sa clientèle est constituée de grossistes et de détaillants (au nombre total de 60 000) qui achètent des T-Shirts "vierges" (imprimables) de la marque pour y imprimer leurs propres motifs, ce qui fait que la demande occidentale est donc très forte. L'entreprise reste ainsi proche de ses clients pour limiter au maximum les délais de livraison. Délocaliser la production dans un continent comme l'Asie ferait gagner 15% pour la main d'œuvre, d'après Marty Bailey, vice-président en charge des opérations, mais les clients ne voudraient pas attendre. Si la fabrication était délocalisée, l'entreprise American Apparel ne pourraint ainsi honorer toutes ses commandes. 75% des commandes passées le jour même sont ainsi satisfaites grâce à cette volonté. Avec ce modèle économique, l'entreprise ne pourrait ainsi faire délocaliser sa production à l'étranger, sinon elle perdrait environ 75% de ses clients, toujours selon Marty Bailey. En effet, l'entreprise serait ainsi dans l'impossibilité de livrer autant de commandes à autant de clients différents, dans un délai court. Le choix de l'entreprise est par ailleurs de confier la teinture et le délavage dans quatre autres entreprises de Los Angeles, ce qui coûte là encore plus cher que dans un pays d'Asie, mais qui fait gagner un temps inconsidérable.
Le choix de l'entreprise de American Apparel est ainsi uniquement liée à des questions de temps de livraison.
Le choix de l'entreprise de American Apparel est ainsi uniquement liée à des questions de temps de livraison.
Néanmoins, avec ce modèle économique, depuis août 2010, l'entreprise est au bord de la faillite.
2. PSA Peugeot-Citroën
Citroën est un constructeur automobile français, fondé en 1919 par André Citroën sous le nom Engrenage Citroën. Dès le début de son histoire, l'objectif de l'entreprise était de se créer un nom sur le marché mondial en utilisant le modèle de productivité de Ford afin de donner à l'autombile de l'époque un usage quotidien pour permettre à Citroën de conserver une image de leader dans l'industrie automobile. Citroën appartient aujourd'hui au groupe PSA Peugeot-Citroën regroupant les deux firmes autombiles françaises Citroën et Peugeot . L'entreprise a depuis quelques temps l'objectif de s'ouvrir au marché mondial.
Le site de Rennes, dont nous allons particulièrement parler comptait en 2005 environ 10 000 salariés ce qui le place au troisième rang des usines du groupe (derrière Sochaux et Mulhouse). Il est spécialisé dans l'assemblage de véhicules Citroën et il organise l'assemblage de quatre modèles de la firme : le coupé, le break, la C5 et la C6.
Quelles sont aujourd'hui les stratégies territoriales de Citroën ?
(Pour nous aider dans notre démarche de recherche, nous avons interrogé l'ancien directeur de l'usine de montage PSA Peugeot-Citroën de Rennes, Gilles Kern, qui nous a expliqué les stratégies de l'entreprise à l'époque où il était encore en fonction (2007-2010). Les chiffres que nous publions sont donc des données de l'année passée.)
Tout d'abord, le choix de l'entreprise de s'implanter sur le site de Rennes est dû au fait qu'à l'époque, la volonté du groupe était de garder un maximum d'usines sur le territoire français. La ville disposait par ailleurs d'une situation favorable, car les salariés potentiels (provenant du milieu rural) étaient réputés pour être soigneux dans leur travail, ce que voulait l'entreprise afin de conforter son image d'entreprise sérieuse.
Concernant les pièces servant à construire une automobile, suivant les sites, il peut y avoir de 3 à 8 fournisseurs que le groupe essaie de réunir dans un rayon de 60 kms autour de l'usine ; ainsi par exemple, les moteurs viennent de Metz, les sceaux de Caen et les trains arrières de Rennes. Certaines pièces, malgré la volonté d'être proche des fournisseurs viennent en revanche de l'étranger, comme les boîtes de vitesse qui sont acheminées depuis l'Allemagne. L'entreprise calcule ainsi la durée du trajet des pièces en fonction de l'assemblage : ce trajet dure de 3 à 6 heures. Concernant le site de Rennes, l'entreprise Bretagne Ateliers qui s'occupe des finitions (rembourrage des sièges, tableau de bord et peinture) est située juste en face de l'usine.
Le groupe choisit donc de garder le plus d'usines possible en France dans le but de rester proche de la demande, puisque la plupart des usines ne fournissent que l'Europe, mis à part le site de Rennes qui fournit ses véhicules à travers le monde.
L'entreprise lorsqu'elle exporte ses automobiles doit s'adapter à la demande des pays étrangers. Ainsi par exemple, les Allemands demandent des freins ne faisant aucun bruit, ce qui implique de changer leur alliage ; les Chinois préfèrent quant à eux acheter des voitures chromées (pour un choix esthétique) et demandent une large place à l'arrière pour transporter les personnes âgées qui n'ont pas de permis de conduire, du fait de l'implantation récente sur le marché automobile chinois ; enfin, les Américains désirent des pare-chocs élevés, pour avoir des voitures imposantes. Ces petites modifications entraînent une augmentation des coûts, mais il s'agit du prix à payer pour désirer vendre des voitures à l'étranger sans s'implanter dans le pays demandeur.
Dans le prix final d'une automobile, 70% du coût est dû à la valeur des pièces et 30% seulement est dû à la main d'œuvre et à la marge du constructeur. Si l'entreprise décidait de délocaliser toute sa production à l'étranger, le coût de la main d'œuvre diminuerait, mais les coûts de transports (acheminement vers la demande) seraient démesurés. Seules les voitures de luxe (type berline) peuvent ainsi être transportées à travers le monde car les coûts de transport ne représentent qu'une partie infime du prix final. En effet, on compte environ 3000 euros de frais de transport par voiture lorsqu'elle vient de l'étranger (transportée la plupart du temps par des portes-conteneurs).Depuis quelques années, le groupe PSA a implanté deux usines en Chine, dans les villes de Xiang Fan et Wugan (ville dont nous reparlerons dans l'article suivant). Cette implantation a été bénéfique pour l'entreprise car le marché Chinois est grandissant et il est préférable de s'implanter directement dans le pays car l'Etat chinois a mis en place une taxe très élévée sur les produits importés. L'entreprise est gagnante sur deux points : les coûts de transport moindres et un coût de main d'œuvre très attractif. En revanche, l'Etat chinois, pour que le groupe PSA s'implante dans le pays, a exigé d'obtenir une part conséquente des usines implantées (25%), d'où le nom Chinois du groupe qui est Dongfeng Peugeot-Citroën Autombobiles, car le groupe est associé au grand constructeur automobile chinois Dongfeng.
Lorsque l'entreprise décide d'exporter ses automobiles à l'étranger, elle a soit recours au train (pour exporter vers l'Europe de l'Est), qui a l'avantage d'avoir un coût de transport relativement peu élevé (entre 400 et 1000 euros), soit aux cargos (pour exporter en Asie ou en Amérique) qui ont eux un prix assez élevé (3000 euros maximum) mais qui ont une grande capacité de stockage et un délai de 4 à 8 semaines.3. Zone industrielle de Wuhan
Après avoir développés des stratégies territoriales à travers les exemples de l'entreprise PSA Peugeot-Citroën et de deux entreprises appartenant à l'industrie du textile (Zara et American Apparel), nous allons désormais évoquer la ville de Wuhan, ville concentrant de nombreuses entreprises, locales et étrangères. Nous allons ainsi nous demander, à travers cet exemple, quelles sont les raisons qui poussent les entreprises à s'installer dans une zone spécifique.
Wuhan, la « ville sur les fleuves », est une ville Chinoise, métropole la plus étendue, la plus peuplée et la plus riche de Chine centrale.Il s'agit du centre économique, commercial, financier, culturel et de circulation de Chine centrale. Elle dispose d'une vaste zone industrielle, concentrant beaucoup d'entreprises étrangères. Depuis les années 1980, plus de 80 entreprises s'y sont déjà implantés par exemple.
Pourquoi de nombreuses entreprises s'installent-elles là-bas ?
La ville de Wuhan dispose tout d'abord d'une situation géographique très avantageuse. En effet, elle est située à 1000 km des axes Pékin/Canton et Shangai/Chengdu, ce qui favorise une implantation des entreprises en provenance de divers pays, car les exportations sont simples vers les grandes villes de Chine.
Par ailleurs, elle dispose d'excellentes infrastructures de transport, ce qui favorise les échanges commerciaux. Sa gare est une sorte de Chicago chinois : toutes les lignes ferroviaires s'y croisent (elles communiquent à la fois vers le nord, le sud, l'ouest et l'est). Son aéroport est par ailleurs le quatrième plus grand du pays : il dispose de 50 lignes vers les grandes villes de Chine et de 7 lignes à l'international (dont Paris notamment). La ville dispose également d'un port très développé, car le fleuve Yangzi traverse la ville, et il s'agit du plus grand fleuve du pays. Sa capacité d'embarquement et de débarquement atteint 50 millions de tonnes, tandis qu'il peut traiter environ 100 000 transconteneurs par an. Son port dispose enfin de lignes directes vers 14 pays (d'Asie), ce qui favorise le commerce à l'international.
Elle profite également d'une économie très diversifiée (30 universités et 700 centres de recherches), notamment très présente dans les secteurs de l'éducation, de l'autombile, de la sidérurgie et de l'agriculture.
La ville de Wuhan possède également un potentiel économique fort : le RMB (Revenu Mensuel Brut) de ses habitants augmente en effet de 15% chaque année. De plus, la ville en elle-même est un grand marché potentiel pour les entreprises comptant s'installer, car elle compte environ 10 millions d'habitants (et environ 60 millions dans sa province, le Hubei). Ces nombreux habitants constituent aussi une main d'œuvre disponible (230 écoles techniques et professionnelles pouvant former 60 000 ouvriers) et peu coûteuse. L'entreprise PSA Peugeot-Citroën bénéficie ainsi d'une technique sans faute, de très bons équipements et d'un excellent contrôle de qualité.
Enfin, de nombreuses très grandes entreprises s'étant déjà implantés là-bas (ex : PSA Peugeot-Citroën, Total, Carrefour, Walmart, etc.), la ville dispose désormais, en plus des éléments déjà donnés, une bonne image à l'étranger.